vendredi 5 juillet 2013

(suite) La fin des Templiers par Rudy Cambier.

Scène 9 *** Le Trimard riant Alors ! Ça jase ? On peut dire que vous avez mis le canton en ébullition. Quel bazar ! Jésusmariejoseph ! Éliabel On ne l'a vraiment pas cherché. Le Trimard C'est le résultat qui compte, pas l'intention. Julien Tout le monde nous espionne. Que j'aie un soulier mal noué et on le rapporte à ma mère. Éliabel Ce cafardage perpétuel est irrespirable. Julien Chaque fenêtre cache une rapporteuse, chaque bosquet dissimule un mouchard. Éliabel Et tout cela orchestré par ce salopard d'Arsène de Celles-Bas. Julien Ah celui-là ! Quel fumier ! Le Trimard Notre îlot de bonheur est toujours détruit par les autres. … Je n'ai pas toujours été un sans feu, savez-vous. Bien au contraire… Julien Mais pourquoi s'en prendre à nous ? Éliabel Et tout le monde ! Comme si les esprits avaient été contaminés par une peste. Le Trimard Une peste qui durera aussi longtemps que vous ferez vos petites affaires sur la rue. La foudre ne frappe que les points découverts. à Éliabel Vous ne pourriez pas persuader le Philosophe de recevoir votre ami ? Éliabel Ce n'est pas possible. Mon père aurait les pires ennuis. Julien Chez moi encore moins. À supposer que mon père accepte, ma mère empoisonnerait Éliabel, et même si on enfermait cette vieille garce dans une cage à fauves on ne serait pas à l'abri. Elle est tellement manipulatrice, mielleuse et fausse ! Éliabel au Trimard Nous ne pouvons pas continuer comme ça. Julien Nous allons nous enfuir. Le Trimard Vous enfuir ? Pour aller où ? Julien On verra bien. Le Trimard Et vous vivrez de quoi ? Vous avez un métier ? Julien Je mendierai. Le Trimard Vous mendierez ! Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Vous n'avez pas la moindre idée de la dureté de la vie des gens sans foyer. Vous ne savez pas vraiment qu'ils ont froid et qu'ils ont faim. Vous ne savez pas ce qu'est souffrir la saleté, la vermine et les ulcères. Avez-vous un jour, seulement touché, un haillon puant ? Ce serait pourtant votre vêture, la même de jour et de nuit et tous les jours, parce que vous n'aurez même pas de quoi laver le chiffon qui abrite vos puces, vos poux et vos punaises. Vous n'avez jamais été insulté, outragé, brutalisé, déchassé comme un chien, et bien vous le serez, tous les jours. Mendiant, vous n'existerez pas, vous ne vaudrez rien, vous n'aurez pas de droit, vous n'aurez pas d'honneur, vous serez moins qu'une bête. Et pour en finir, vous apprendrez vite que la pauvreté, c'est avoir peur de tout, peur de tout le monde et peur tout le temps. Et qu'est-ce que vous attendez des autres vagabonds ? Aide et assistance ? Qu'ils soient braves et bons ? Ils seront brutaux et crapules. Voyez-vous, mon garçon, quand on a un toit assuré, qu’on est nourri d'abondance, qu’on n'est pas menacé par les huissiers ni jeté à la rue par le ministre des impôts, quand on n’est pas démoli par la malchance, alors c'est facile d'être bon, et pourtant, parmi les gens qui ont toutes ces aises, il n'y en a pas des masses qui ont le cœur miséricordieux. Mais comment faire pour être bon quand on est dans la boue, quand on est dans le trou, quand on lutte pour survivre encore une nuit ? Julien Qu'est-ce que je dois faire alors ? Le Trimard Certainement pas errer au hasard des chemins. Trimer, c'est être faible, et être faible, c’est avoir tout le monde pour ennemi. Julien Que faire ? On ne peut tout de même pas continuer comme ça. Le Trimard Il faut trouver, maintenant, quelqu’un qui ne vous frappera pas dans le dos. Julien Un ami ! Je n'en ai pas… Le Trimard Un ami ? Jésusmariejoseph ! Dans tout ami, il y a la moitié d'un ennemi ! La trahison est partout et seul un ami peut trahir. Ce que vous devez trouver, c'est un homme de bien qui voudra vous aider. Julien Mais qui ? Où le trouver ? Comment faire ? Le Trimard Je ne sais pas moi… Allez à l'abbaye. Julien À l'abbaye ! Mais un moine ne peut pas favoriser un péché ! Ce serait un comble. Le Trimard Bien entendu ! Bien entendu… Mais le père Yves est un spécial… Sa liste des péchés est très personnelle. Vous devriez essayer. Julien Je n'oserai jamais. Le Trimard Vous ne perdez rien à essayer. Venez, je ferai la demande pour vous. Éliabel Merci Trimard. Mais les gens ne vous en loueront pas. Le Trimard J’ai survécu aux cruautés, aux rires et aux crachats des gens. Je vivrai fort bien sans leurs louanges. Un peu de courage pour y aller. Il sort un litron et boit une sacrée série de rasades, fait un bon rot, rebouche et remet la chose dans son bissac. (Note sur le style : expliquer par exemple pourquoi j’ai écrit Je vivrai fort bien sans leurs louanges et pas Je vivrai bien sans leurs louanges, ou Je vivrai tout aussi bien sans leurs louanges, ou Je vivrai aussi sans leurs louanges, ou Je vivrai tout aussi mal sans leurs louanges, ou Je survivrai sans leurs louanges, ou J’ai survécu aux cruautés, aux rires et aux crachats. Je vivrai fort bien sans louanges, etc. (à suivre)

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