mercredi 23 janvier 2013

Les chats de Pharaons.

La tradition enseigne que notre chat domestique européen est originaire d’Égypte. Il y était désigné sous le vocable de "myéou" selon l’onomatopée bien connue de tous lorsque nous faisons allusion à cet animal. La première apparition de ce chat en Gaule remonte à la période gallo-romaine. Sur le sarcophage d’un enfant de la région de Bordeaux, datant du IIe siècle de notre ère, l’enfant est sculpté figuré tenant un chat dans ses bras.
Le chat domestique serait venu d’Égypte à la suite des marchands qui sillonnaient la Méditerranée. Le plus ancien témoignage écrit concernant le chat domestique est celui d’Hérodote qui visita l’Égypte au Ve siècle avant notre ère : « les chats y étaient vénérés à l’instar des dieux et leur mort provoquait l’affliction des familles qui les hébergeaient. Ils étaient ensuite emporté au Boubastéion, dans des locaux sacrés où ils étaient embaumés avant d’être enterrés. » En effet, des milliers de momies de chat ont été retrouvées dans plusieurs nécropoles dont la plus célèbre étant celle de Bubastis et du Bousbastéion de Saqqarah. Certains tombeaux humains renfermaient également des momies de chats.
En Égypte, la domestication du chat est attestée avec certitude depuis XIe dynastie ; plus anciennement encore, on a des témoignages de la présence de chats à proximité d’habitations, mais rien ne prouve qu’ils furent domestiqués. L’apparition de l’agriculture au Néolithique, et la constitution de réserves de grains on favorisé la prolifération de nombreux rongeurs (souris, rats, surmulots, nésokia, arvicanthis) attirant de par là même, leurs prédateurs naturels, dont le chat. Il apparaît clairement qu’en dehors des pièges que les paysans pouvaient fabriquer, le seul moyen efficace pour contrôler le nombre des rongeurs restait le chat. Ceci est d’autant plus important que la peste se transmettait de manière dramatique dans les années où il y avait prolifération de rongeurs. On peut ainsi comprendre l’affection particulière des Égyptiens pour cet animal !

 
 
Les momies de chats
Les sépultures de chats sont parmi les plus anciennes et remontent à la XXIIe dynastie. Avant cette époque, seuls quelques cas recensés montrent des animaux auxquels un maître a voulu rendre hommage. C’est surtout durant la XXXe dynastie, à la deuxième occupation perse et à la période gréco-romaine que les nécropoles ont proliférés dans tout le pays, renfermant de plus en plus de momies.
Les momies de chats ont pu être placées dans toute sorte de sépultures : des catacombes réservés aux animaux comme à Dendérah, des tombes anciennes réutilisées comme à Saqqarah, des lieux de culte comme à Béni-Hassan ou même de simples vase enterrés comme à Abydos.
Toutes ces nécropoles contenaient des momies qui se présentaient de façon très diverses, soit dans des sarcophages, soit enveloppées de bandelettes, ou encore sans rien. Parfois même on a retrouvé que les os ! Les sarcophages sont essentiellement de deux types : en bois ou en bronze. Les momies enveloppées de bandelettes étaient parfois extrêmement élaborées et souvent apprêtées avec grand soin. Dans d’autres cas, les momies sont parfaites extérieurement mais ne contiennent que des parties de corps. Il semblerait donc que l’aspect extérieur, celui d’un chat entier était sans doute ce qui comptait le plus !
Les études faites sur les momies de chats du British Museum et du Louvre indiquent que les chats sont mort par strangulation, cela a pu être observé aussi sur les animaux retrouvés à Saqqarah et à Balat. Une forte dislocation des vertèbres cervicales, séparées de la tête, la position de cette dernière qui ne se présente plus dans l’axe de la colonne vertébrale, mais tournée d’un quart de tour, démontre que l’on avait tordu le cou de ces bêtes ! Ces chats ont donc été tués sciemment, et ce à deux âges précis : vers quatre mois, quand l’animal avait atteint une taille convenable pour être momifié puis entre neuf mois et un an pour les chats qui n’avaient pas été retenus pour la reproduction. Les chats étaient élevés, entretenus, puis à une période précise, un certain nombre d’entre eux étaient sacrifiés, momifiés et offerts en vente aux pèlerins désireux de déposer un ex-voto en l’honneur de la déesse Bastet. Cet ex-voto était destiné à remercier la déesse ou lui demander une faveur.
Devant ces nécropoles contenant les momies en quantité innombrables, il faut donc imaginer un commerce lucratif entre le personnel du temple et les pèlerins désireux déposer une offrande. La momie devait avoir une valeur assez importante car l’animal aurait pu être le réceptacle divin. Cette pratique s’est atténuée durant l’époque romaine sous l’influence de la nouvelle religion chrétienne qui condamnait ce culte « démentiel ».

 
 
Le chat dans la mythologie : Les livres funéraires
La course incessante du dieu solaire Rê qui disparaît chaque soir pour renaître le matin, après avoir vaincu les forces néfastes qui tentaient d’entraver la régularité de son cycle, a servi de mécanisme fondamental à toute la littérature funéraire égyptienne.
Dans le Chapitre 17 du Livres des Morts, principal texte funéraire d’usage privé au Nouvel Empire, le dieu solaire est représenté par un chat armé d’un couteau s’attaquant au serpent néfaste Apophis qui tente d’empêcher son lever matinal. Apophis, vaincu, le soleil pourra continuer son cycle, dont la pérennité est pour les défunts une promesse de renaissance. Tel qu’il est représenté, l’animal au pelage tacheté, aux longues oreilles droites et aux longues pattes rappelle davantage certains félidés sauvages que le chat domestique. Il pourrait cependant s’agir d’une image combinant deux espèces, le serval et le caracal.
Parmi les entités étranges que les défunts sont appelés à rencontrer dans l’au-delà, les génies à tête de chat sont également présents.
Dans le « Livre de l’Amdouat » un dieu chat décapite les ennemis d’Osiris, principe de renaissance indispensable à la perpétuation du cycle solaire.
Dans le « Livre des Portes » un être à tête de chat est le gardien de la dernière porte que le soleil doit franchir durant sa course nocturne, maîtrise un serpent, à l’instar de ce que l’on retrouve dans le « Livre des Morts ».
Dans le « Livre des Cavernes » enfin, un génie à tête de chat monte la garde auprès d’ennemis de Rê représentés vaincus, la tête en bas, les bras ligotés derrière le dos.
On retrouvera dès la XXIe dynastie, à des fins protectrices, de telles représentations de génies à tête de chat à l’intérieur des sarcophages des particuliers, directement inspirés des « Livres funéraires ».

 
 
Le culte de la déesse chatte
L’œil de Rê est unique, mais ses manifestations sont quant à elles sont nombreuses. On les appelle « filles de Rê », tantôt dociles, tantôt terrifiantes. Elles symbolisent la puissance du rayonnement solaire et adoptent, pour les besoins de cette fonction, des apparences et des noms qui varient suivant les mythes où elles sont intégrées.
Chacune de ces déesses (Hathor, Tefnout, Sekhmet, Bastet) possède ainsi deux facettes : l’une bénéfique qui assure le renouvellement de toute existence, l’autre agressive et terrifiante qui combat les puissances du chaos.
La douce Bastet, qui adopte l’aspect d’une chatte ou d’une femme à tête de chatte, est souvent présentée comme la face paisible de la redoutable Sekhmet (déesse à tête de lionne). Les Égyptiens eux-mêmes semblent n’avoir pu dissocier réellement ces deux déesses, car dans sa forme primitive (à l’Ancien Empire), Bastet est représentée en femme à tête de lionne portant la croix ankh, symbole de la vie. Ce n’est qu’à partir du Nouvel Empire que Bastet fut représentée sous la forme de la déesse chatte. Tantôt, elle est majestueusement dressée sur son séant et parée de bijoux, tantôt, elle est femme à tête de chatte agitant un sistre ou portant l’égide, Un petit panier enfilé sur son bras peut compléter sa parure. Elle est également connue sous la forme d’une chatte allaitant ses petits. Ce dernier aspect lui vaut d’être considérée, dans les foyers, comme une protectrice des naissances.
Son culte principal se trouvait dans le delta, dans l’actuelle Tell Basta connue dans l’Égypte ancienne sous le nom de Per-Bastet (la maison de Bastet), grécisé par la suite en Bubastis.

 
 
Les bronzes de la Basse-Époque
Les grandes nécropoles de chats de la Basse Époque furent pillées de manière intensive au XIXe siècle. Outre les momies de chats, ces cimetières contenaient un grand nombre de statuettes en bronze qui, depuis le siècle dernier, sont venues grossir les collections des grands musées occidentaux. D’autres statuettes étaient sans doute déposées, comme témoignage de piété, dans les temples de la déesse Bastet. On en a retrouvé un grand nombre dans des fosses dans lesquelles les prêtres ensevelissaient régulièrement des ex-votos placés en surnombre dans les sanctuaires.
Images de la déesse Bastet, les chats furent très souvent représentés assis, portant sur la tête l’image d’un scarabée, signe de renaissance ; leur poitrine s’ornait d’un collier large ou d’un œil oudjat à des fins protectrices. Leurs oreilles sont souvent percées dans le but d’y accrocher des boucles d’or ; enfin, leurs yeux sont souvent incrustés, notamment de cristal de roche.
Un autre thème représenté : la chatte allaitant ses petits, image d’une déesse dispensatrice de vie devenant dès lors un gage de renaissance. Bastet peut également être figurée sous la forme d’une femme debout, à tête de chatte, parfois accompagnée de chatons, vêtue d’une longue robe. Elle porte alors un panier, un sistre, une égide ou une statuette de son fils, le dieu Nefertoum.

 
 
 
La fascination du chat
Le chat, divinisé en Égypte fut introduit par les Romains en Europe mais perdit alors son statut divin pour ne plus être considéré que comme un simple « chasseur de souris ». Les Phéniciens et les Arabes, au gré de leurs voyages et conquêtes, contribueront à sa diffusion dans le monde connu à l’époque.
Le Moyen âge fut une période très sombre pour le chat. Accusé de sorcellerie, et d’être le support du diable, il fut ainsi condamné alors par l’Église.
L’intérêt que les hommes portent au chat est varié, parfois contradictoire, souvent passionnel. Il touche à tous les registres de l’activité ou de la connaissance humaine : mythologie, arts, sciences, parapsychologie, sorcellerie. Il succite tour à tour l’amitié ou la haine mais ne laisse jamais indifférent.
Au cours des siècles le chat s’est paré de valeurs culturelles et devient le symboles des vices et des vertus humaines et par conséquent, objet de réflexion et d’inspiration philosophique ou artistique.

 
 
Bibliographie
· « Les Chats des Pharaons , 4.000 ans de divinité féline », catalogue de l’exposition qui a eu lieu à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, 1989-1990.
· Franco, I., Mythes et Dieux (le souffle du Soleil), Paris, 1996.
· Gros de Beler, A., La Mythologie égyptienne, Paris, 1998.
Sources Egypte.

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