mardi 20 novembre 2012

Traditions et légendes de Belgique (2 à suivre).

2 février. (Galanthus nivalis.) Fête de la Présentation de Notre-Seigneur au temple et de la Purification de la sainte Vierge. C'est la première fête de Notre-Dame après la nativité de Jésus-Christ. Elle fut instituée en 544, lorsque sous l'empire de Justinien une épidémie terrible régna à Constantinople, emportant souvent dix mille habitants par jour [4]. Le pape Serge y ajouta, en 701, la bénédiction des cierges, dont la fête, suivant l'opinion la plus accréditée, tire son nom populaire de « Chandeleur » ou « Lichtmis, » messe de chandelles, parce qu'il se fait, ce jour-là, avant la messe une procession à laquelle tous les assistants portent des chandelles de cire ou des cierges bénits allumés, comme des symboles de la véritable lumière qui venait éclairer les Gentils. S'appuyant sur un sermon du pape Innocent III, quelques auteurs prétendent que la fête de la Chandeleur a été substituée à celle des Romains dite « festus Lucernae » ou « luminum, » qui se célébrait vers la même époque en mémoire de ce que Cérès chercha sa fille Proserpine durant la nuit avec des torches. On y faisait de grandes illuminations et parcourait les rues avec des chandelles ou torches allumées. D'autres croient y voir un reste de l'ancienne fête des Lupercales consacrée par les païens au dieu Pan et à Februa, déesse de la purification. Cette fête consistait dans une lustration des hommes et du sol pour obtenir la rémission de tous les péchés commis, dans l'année qui venait de finir, le mois de février étant alors le dernier de l'année. Quoi qu'il en soit, depuis les temps les plus reculés, le deuxième jour du « sprokkelmaend » est celui, où en beaucoup d'endroits, les domestiques, à la campagne, quittent leurs services, pour entrer dans d'autres ou pour se marier. Ils profitaient autrefois de cette occasion pour s'adonner ce jour à toutes sortes de récréations bruyantes ce qui a fait dire en flamand « lichtmissen, » faire la Chandeleur, dans l'acception de faire la débauche, ou de boire copieusement et surtout dans celle de se masquer au carnaval ou de parcourir le soir les rues travesti et avec des flambeaux. La Chandeleur des Wallons, el « Chandeleur » a une signification analogue, bien que ce mot ne se prête pas si facilement à cette interprétation, que a lichtmissen a en flamand, qu'on peut traduire à la fois par manquer de lumière ou de raison, et par célébrer la Chandeleur [5]. Dans les villes ce jour était également un jour de débauche, et à Fumes on le désigne encore aujourd'hui par le nom de Onze Lieve Vrouw roert de pan, a Notre-Dame remue la poële, parce que dans chaque famille on prépare des gaufres ou d'autres friandises. Nous ignorons si l'usage existant jadis en France, de frire des crêpes pendant la messe de la Chandeleur, afin de ne point manquer d'argent toute l'année, soit aussi connu en Belgique [6]. Par contre nous y trouvons beaucoup d'autres idées populaires qui se rattachent à ce jour et surtout aux cierges bénits. Avant l'invasion française tous les dignitaires tant civils qu'ecclésiastiques assistaient à la bénédiction des cierges et portaient en main une de ces chandelles bénites à la procession dans l'intérieur de l'église. Après la messe le clerc de l'église rapportait à l'habitation de chacun d'eux une de ces chandelles. Cet usage n'existe plus que dans quelques localités, mais chaque ménage se pourvoit encore maintenant d'un cierge bénit, qui y est d'utilité en mainte circonstance. On l'allume et le laisse brûler pendant l'orage, et quand une personne de la maison est sur le point de mourir, on lui place la chandelle bénite entre les mains, mais on l'éteint aussitôt que l'agonisant a rendu le dernier soupir [7]. Dans les diocèses de Liége et de Namur on avait autrefois l'habitude de détacher quelques grains de cire d'un cierge bénit pour en former de petites croix, que l'on attachait au sommet du tuyau de la cheminée et aux endroits les plus visibles de la maison dans l'intention de la garantir de tout malheur. Les paysans des environs de Contich et de Lierre ne manquent jamais de laisser tomber une ou deux gouttes de cire d'un cierge bénit dans le fond de leurs casquettes ou de leurs chapeaux, aussi bien que sur leurs bestiaux, sur les fenêtres et les portes de leurs maisons et sur leurs chariots, leurs charrettes et leurs outils de labourage, afin de se préserver de tout malheur. Cet usage se retrouve aussi dans la Campine, où le fermier, à peine retourné de l'église dans son habitation, allume la chandelle bénite et assisté de ceux qui ont soin de l'écurie et de l'étable, laisse tomber trois gouttes de cire derrière et sur la partie extérieure de l'oreille de chaque bœuf, cheval, vache, etc., pour les préserver de maladie et de tout effet du sortilège [8]. A Bruges on croit pouvoir prédire la fertilité ou la stérilité de l'année en faisant dégoutter le cierge bénit dans un vase d'eau. Si la cire forme de petites étoiles, il y aura beaucoup de grains. On peut dire qu'en général le 2 février est regardé comme jour très-important pour prédire le temps et les récoltes. Si, ce jour, le temps est beau et clair, l'année sera bonne. Mais s'il tombe de la pluie ou de la neige, les vivres seront chers; s'il y a du brouillard, on a à craindre des épidémies; s'il y a du vent, des troubles politiques ou des guerres suivront."Si le soleil brille, le lin réussira [9]. De même si le temps est beau, il tombera encore autant de neige, qu'il en est tombé avant la Chandeleur [10]. L'alouette chantera autant de jours après cette fête, qu'elle a chanté auparavant (Zoo veel dagen de leeuwerik voor Vrouwen lichtmis zingt, zoo veel dagen zingt hy daer na) [11]. Aussi observait-on avec une grande attention l'ombre de la deuxième chandelle qui annonçait divers événements plus ou moins rapprochés. Car la lumière ne devait pas s'éteindre pendant la nuit de la Chandeleur, qui comme toutes les nuits saintes se partageait en trois chandelles ou « kaersen. » On était fermement persuadé que les personnes qui paraissaient pâles à la lumière de la Chandeleur ne vivraient plus longtemps et si lever de bois ronge pendant la nuit de la Chandeleur aux meubles, on dit encore aujourd'hui: « c'est l'horloge de la mort qui va » [12]. L'usage de purifier ce jour les étables en y brûlant des baies et des branches de genièvre, qui, en divers endroits, s'est maintenu jusqu'à nos jours remonte à la plus haute antiquité. Ii date selon toute probabilité du temps où les festivités de Joui ne se terminaient qu'à la veille de la Chandeleur. On dépouillait alors le jour suivant la maison de son appareil de fête, on la déblayait minutieusement de tout ce qui rappelait les solennités passées et on purifiait l'habitation entière jusqu'aux coins les plus retirés [13]. Lorsque dans la suite la durée de la fête de Noël fut restreinte, on transféra en quelques endroits cette purification à la fin de la fête, en d'autres on conservait l'ancienne coutume qui s'adoptait à merveille à la signification de la fête de la Purification. Peut-être fut-il en mémoire de l'étendue antérieure de la fête de Noël que le pape Adrien II, natif d'Utrecht, comme on sait, accorda aux habitants des Pays-Bas la permission légale de manger gras tous les samedis depuis Noël jusqu'à la Chandeleur, comme ils avaient déjà auparavant l'habitude de le faire. D'après l'opinion populaire cela se fait en souvenir des couches de Notre-Dame, où la Mère de Dieu à l'égal des autres femmes eut besoin d'une nourriture plus fortifiante. En réalité, c'est en vertu du privilège susdit, qui, quoi qu'il fût contesté plus d'une fois, a été même soutenu par le célèbre archevêque de Malines, Mathias Hovius, et a donné l'origine aux « vette zaturdagen, » aux samedis gras, qui surtout à Anvers s'observent encore de nos jours depuis Noël jusqu'à la Chandeleur [14]. Dans la plupart des villes belges les chandeliers ou keersgieters célèbrent leur fête patronale à la Chandeleur. L'usage qu'ils avaient autrefois d'envoyer, ce jour-là, un cierge en présent à leurs chalands, s'est conservé en quelques endroits jusqu'aujourd'hui [15], bien qu'à Bruges le métier des ciriers le défendît déjà en 152, sous peine de 6 livres parisis. Dans plusieurs localités de la province de Namur, les cierges que les enfants apportent à l'église pour les faire bénir, y restent comme offrandes de leur part. Dans les environs de Diest on présente des cierges bénits au bourgmestre, au marguillier et aux conseillers communaux du village; à Malines, où autrefois dans l'église de Saint-Rombaut tons les membres du magistrat devaient accompagner la procession de la Chandeleur, des cierges allumés à la main, on en offre un au marguillier. L'ancienne abbaye de Forêt, près de Bruxelles, donnait tous les ans, le jour de la Purification, au maître de la vénerie de Brabant, deux paires de souliers, l'une grande, l'autre petite, et un gâteau dit lyfcoeke; au drossard, au maire et au lieutenant du veneur, à chacun, une paire de souliers courts et un gâteau. De plus, le maire et les échevins de Forêt étaient gratifiés, comme à Pâques, d'un pot de vin, et le maire d'Anderlecht et les messieurs de l'abbaye à Anderlecht, à Ruysbroeck, à Leeuw, à Uccle, à Linkenbeek et à Beersel recevaient de la boisson et de la viande. Aussi pouvaient-ils prendre à la cave trois pains chacun [16]. A Anderlecht dans le béguinage ou plutôt dans l'hospice qui s'y établit en 1250 et qui portait autrefois le nom de « t' Claphuys, » maison du bavardage, chaque béguine recevait à la Chandeleur et au carnaval 2 placques, le jeudi saint 18 mites, à Pâques, à la Pentecôte, à la mi-août, à la Toussaint 2 placques. Les béguines ou béguines (d'où le mot bigotes) qui se reconnaissaient à leurs vêtements de couleur bleue, sont à présent remplacées par de vieilles femmes [17]. A Dinant commençaient à la Chandeleur les exercices des arbalétriers, qui avaient lieu chaque dimanche jusqu'à la Toussaint. Chaque membre devait, d'après les statuts, y aller au moins neuf fois [18]. Dans quelques endroits des environs de Huy on allume ce jour-là les feux qui ailleurs brûlent le premier ou second dimanche du carême. A Louvain, l'université célèbre, le jour de la Purification de la Vierge, sa fête patronale par une messe solennelle à Saint-Pierre, aux assistants de laquelle une indulgence plénière a été accordée. A Tongre, situé à une demi-lieue de Chièvres et à une lieue d'Ath, dans le Hainaut, ce jour est l'anniversaire de la translation miraculeuse de la statue de Notre-Dame, qui y attire chaque fois un grand concours de fidèles. Vers la fin du XIe siècle, dit la légende, vivait au château de Tongre le seigneur Hector, cousin du comte de Flandre et neveu du comte de Namur, forcé qu'il était de quitter le monde à la suite d'une cécité complète, dont il avait été subitement frappé. Or, en 1081, pendant la nuit du 1 au 2 février une lumière éclatante se répandit autour du château d'Hector; une musique harmonieuse se fit entendre, des anges descendirent dans le jardin et y déposèrent une statue de la Vierge, autour de laquelle les habitants du hameau se réunirent avec empressement. Hector s'étant fait conduire auprès de cette image, la fit placer d'abord dans ses appartements, où il passa la nuit en prières avec les témoins de ce miracle, et, le jour venu, il la fit porter processionnellement à l'église de la paroisse, où elle fut déposée sur le grand autel dédié à saint Martin. Mais le soir même, vers onze heures, la statue fut rapportée par les anges, de l'église dans le jardin avec la même magnificence que la veille, et quoique le seigneur la fît réintégrer, le lendemain, sur l'autel de l'église, elle reparut, le soir du 3 février, vers onze heures, encore une fois dans le jardin du château, de sorte que Hector fut convaincu que la sainte Vierge voulait être honorée dans le jardin. Il en avertit l'évêque du diocèse de Cambrai, dont la paroisse de Tongre dépendait, et celui-ci commit quatre députés avec mission de vérifier l'exactitude des faits. Les envoyés de l'évêque voulant s'assurer une dernière fois de la volonté céleste, firent replacer la statue dans l'église et devinrent ainsi témoins du miracle qui se répéta vers onze heures tout à fait de la même manière que dans les autres nuits. Ils se hâtèrent de retourner à Cambrai et rendirent compte de leur mission à l'évêque. Gérard II, nommé « le Bon » vint à Tongre, célébra la messe sur un autel improvisé devant la statue miraculeuse et bénit le jardin et les environs. C'est probablement la marche suivie par l'évêque, en cette circonstance, qui devint dans la suite le chemin de la procession, vulgairement nommé le tour de Notre-Dame. De nombreux visiteurs se pressèrent dès lors devant l'image de la sainte Vierge, que le seigneur de Tongre avait d'abord couverte d'une tente, mais à laquelle il fit bientôt ériger une chapelle. Un nouveau miracle vint augmenter le culte de Notre-Dame de Tongre. La légende rapporte qu'en 1090 le roi de France, Philippe 1er, étant en guerre avec les Flamands et campant aux environs de Tournai, Hector eut plusieurs visions, suivant lesquelles il courut en aide au roi. Il arriva le 3 juin, au camp français, où Philippe lui fit le meilleur accueil du monde. Le lendemain les deux armées se rangèrent en bataille. Hector se fit placer la face vers Tongre et se mit à prier, exemple, qu'imitèrent le roi et toute l'armée française. En cet instant Hector recouvra la vue. Le combat commença et les Flamands ne tardèrent pas à fuir dans toutes les directions. Le 30 juin, Philippe vint avec sa suite rendre grâces à Notre-dame de sa merveilleuse intercession, lui fit de riches présents, et de retour en France, il envoya de précieuses reliques pour orner le sanctuaire. Hector dota la chapelle de plusieurs propriétés et voulut y être enterré. Peu de temps après, le pape Urbain II érigea une confrérie de Notre-Dame de Tongre, qui, en 1525, obtint une bulle de privilèges, et le comte Baudouin Il rendit son comté tributaire de la chapelle. Il institua aussi la corporation des merciers, qui avaient pour patronne la mère de Dieu et qui devaient contribuer à l'entretien de son autel. Depuis lors, ce sanctuaire a constamment été un pèlerinage des plus fréquentés. Dans plusieurs villes on éleva des autels en l'honneur de Notre-Dame de Tongre et on forma des confréries sous son invocation, qui encore de nos jours envoient chaque année des députations vers leur sainte patronne. L'ancienne église, qui en 42 fut séparée de celle de saint-Martin et érigée en église paroissiale, dut être reconstruite en 4777; on bâtit alors l'église qui subsiste aujourd'hui et dans laquelle, le 2 février 1781, fut célébré par un jubilé le sept centième anniversaire de la translation miraculeuse. Sous la domination française le sanctuaire de Notre-Dame partagea le sort des autres édifices religieux, mais le culte rétabli, la madone fut réintégrée par le même curé qui avait eu soin de l'enlever aux agents du domaine et de la mettre à l'écart [19]. A Yssche, commune à 3 lieues de Bruxelles, où, au seizième siècle, on comptait sept échevinages, on choisissait à la Purification les sept échevins, qui composaient l'échevinage principal, et ceux d'entre eux qui sortaient de fonctions formaient le conseil de leurs successeurs [20]. * * *

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